COURRIER A FRANCE TV : « HOMME » ou « MÂLE » ? (4 février 2023)

Publié par Ges   // 6 février 2023   //

France TV a présenté, en janvier 2023, une émission sous le titre Les racines du « mâle. Participait Laurent Metterie, réalisateur des longs métrages « Les mâles du siècle » (2021) et « Les petits mâles » (en cours de montage -2023).

Le choix des mots n’est jamais anodin.

L’usage du terme « mâle » appartient au registre du monde animal. On dit d’un chien par exemple que c’est un mâle ou une femelle. Il désigne l’individu sous l’angle de sa dimension biologique. Or l’émission Les racines du mâle ne porte pas sur la condition animale mais sur les hommes ! Elle présente un masculin réduit à sa génitalité, et une animalité qui le dépouille de sa part d’humanité.

L’expression « racines du mâle », transcription homophonique de « racines du mal », assimile le concept du mal (par opposition au bien) et celui du masculin désigné sous celui de « mâle ». Le jeu de mot opère un glissement sémantique selon lequel le masculin assimilé au « mal », se définit dans le dictionnaire comme suit :

1 Qui est contraire à la morale, au bien.

2 Relatif à la douleur, qui fait souffrir.

3 D’une façon malveillante, défavorable, désobligeante.

Quel homme se reconnaît dans cette définition désastreuse d’un masculin « contraire à la morale », « qui fait souffrir », « malveillant »… ?

Quel père ou quelle mère reconnaît son fils à travers ces clichés ?

Quel enfant reconnait chez son père ces qualités ?

Ce double jeu de mots n’a rien de nouveau ni de très original. Les exemples sont légion.

Il est frappant de constater que l’image du masculin, fasse l’objet dans nos sociétés contemporaines de nombreuses représentations négatives, sans susciter de réactions qui, pourtant, seraient légitimes. Cette propension à dénigrer le masculin semble à la fois autorisée, encouragée et banalisée.

Mesure-t-on l’impact de ce discours social sur notre inconscient collectif et en particulier sur la psyché de nos jeunes ?

Je m’interroge sur les effets auprès des garçons, enfants et adolescents – et en particulier sur les jeunes en difficulté – en pleine construction de leur identité, dont leur identité sexuée, qui intègrent cette image abîmée du masculin ? Difficulté d’autant plus sensible, que nos sociétés semblent avoir aboli tout modèle positif du masculin. A ce titre, il semble plus aisé pour une fille de s’identifier à des modèles féminins présentés sous un jour toujours positif.

Qu’en est-il des filles qui assimilent l’idée d’un masculin « mauvais » (mal) et « animal » (mâle) de leur relation future avec soit un partenaire soit un enfant de sexe masculin ?

Je suis convaincu de la nécessité d’aborder les questions du masculin et du féminin sous un angle nouveau. Les différences intersexes telles que, véhiculées dans le langage, ne relèvent-elles pas de l’illusion ? Le langage employé sur la question masculine ne nous enferme-t-il pas dans une pensée stérile ?

Car après tout, la condition des hommes n’est-elle pas plus proche de celle des femmes que ce que nous admettons communément ? Ne gagnerait-on pas à dépasser les clivages d’un essentialisme qui oppose masculin et féminin ? Et de reconsidérer l’Autre dans une démarche humanisante ?

Ne pensez-vous pas que France Télévision gagnerait à ouvrir le champ de la réflexion sur les questions relatives à la condition masculine, présentée toujours comme celle du privilège, et sa possible réhabilitation ?

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Le 4 février 2023

Eric Langlois