Correspondance avec la DEPP sur l’enquête SIVIS : 10 novembre 2011 + réponse / 2e courrier : 13 janvier 2012 + 2e réponse

28 juin 2012   //

Notre courrier

Le 10 novembre 2011

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Direction de l’évaluation,
de la prospective et de la performance
Ministère Education nationale
110 rue de Grenelle 75357 Paris SP 07

 

Objet : enquête SIVIS

 

Madame, monsieur,

Notre association suit avec attention le recueil des données effectué par l’enquête SIVIS et l’analyse que vous en faites chaque année dans la Note d’information consacrée aux « actes de violence recensés dans les établissements publics du second degré », la dernière, datée du 20 novembre 2010, étant consacrée à 2009-2010.

Comme l’enquête retient les incidents impliquant les personnels de l’établissement, et nous intéressant en particulier au phénomène des accusations d’abus sexuel, vraies ou mensongères, lancées contre des enseignants, nous avons cherché les données correspondantes. Or le tableau 2 ne mentionne pas de catégorie spécifique pour ce type d’incident. Nous avons noté cependant l’existence d’une catégorie « Autres types de fait ».

D’où les questions suivantes :

– les incidents relevant d’accusations d’abus sexuels contre des enseignants (et la proportion de celles-ci s’avérant fausses) sont-ils pris en compte, et de quelle manière ?

– s’ils ne le sont pas, n’y a-t-il pas une réflexion à mener sur la possibilité de modifier cet état de choses ? Nous vous rappelons, en effet, que l’Autonome de solidarité a établi, de 1996 à 2001, un décompte des incidents de ce type dont elle était saisie, lequel en a démontré l’importance (parfois plus d’une centaine par an). Elle a établi de même la proportion d’accusations se révélant fausses, elle aussi très importante (de l’ordre de 73%).

Vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à notre questionnement, nous vous prions d’agréer, madame, monsieur, nos meilleurs sentiments.

 

La réponse de la DEPP

 Paris,  le 13 janvier 2012

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Objet : les accusations d’abus sexuels contre les enseignants dans l’enquête SIVIS

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Monsieur,

Nous vous remercions pour l’intérêt que vous portez à l’enquête SIVIS. Nous vous invitons à prendre connaissance des derniers résultats de cette enquête pour l’année scolaire 2010-2011 dans la note d’information 11-13 d’octobre 2011.

L’enquête SIVIS recense les faits de violence, y compris celles à caractère sexuel, au travers des déclarations des chefs d’établissement. Les accusations d’abus sexuels contre des enseignants font ainsi partie du champ de l’enquête. Dans la nomenclature des faits de violence, ces incidents graves sont repérés dans la catégorie des « violences sexuelles », et non dans la rubrique « autres types de faits ». Une autre question permet de caractériser le type d’auteur (élèves, surveillants, enseignants etc.) en restant complètement anonyme.

Les accusations d’abus sexuels contre des enseignants ne font pas l’objet de repérage spécifique. D’une part, la faible prévalence de ce phénomène n’en permet pas une mesure très précise dans l’enquête. A titre indicatif, pour l’année 2010-2011 les chefs d’établissements signalent moins d’une dizaine de cas de violences sexuelles impliquant des enseignants. D’autre par il n’est pas possible de prendre en compte le caractère vrai ou non de ces accusations dans SIVIS. Il faudrait en effet pour cela que les chefs d’établissements puissent discuter a posteriori de la validité des faits déclarés dans le passé, ce qui n’est pas compatible avec le format de l’enquête. Les déclarations des chefs d’établissements sont supposés fiables : au regard de la gravité de telles accusations, il est raisonnable de penser qu’un chef d’établissement s’est enquis de leur véracité avant d’en faire état dans SIVIS. Le nombre très faibles des faits recensés plaide dans ce sens.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Le Directeur de l’évaluation, de la prospective
et de la performance
Michel QUERE

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Notre deuxième courrier

Le 20 mars 2012

 

 Objet : les accusations d’abus sexuels contre les enseignants dans l’enquête SIVIS

 

Monsieur,

Nous vous remercions de votre réponse du 13 janvier dernier à notre courrier du 10 novembre 2011, dont nous avons pris connaissance avec intérêt et attention.

Cependant, une partie de notre questionnement demeure.

Nous avons bien noté que les violences sexuelles commises par des enseignants, du fait de leur faible nombre, ne font pas l’objet d’un repérage spécifique, mais sont intégrées à la rubrique « Violences sexuelles ».

Nous avons noté aussi qu’un autre type de violences, à savoir les fausses accusations d’abus sexuel portées contre des enseignants, ne fait l’objet d’aucun repérage. Nous le regrettons pour les raisons suivantes :

– il s’agit de violences bien réelles, attestées depuis de nombreuses années, au fonctionnement spécifique et aux conséquences dramatiques pour les victimes ;

– le nombre en est bien plus élevé que celui des accusations fondées, comme le montrent l’enquête de l’Autonome de solidarité (trois pour une en proportion), et le fait que leur aient été consacrés un livre et deux documentaires (cf L’école du soupçon. Marie-Monique Robin).

– il est vrai, comme vous le soulignez, qu’il est difficile de comptabiliser ces violences dans une enquête annuelle, car elles donnent souvent lieu à des procédures judiciaires qui durent plusieurs années. Mais il est vrai aussi que nombre d’accusations sont démenties dans le courant de l’année scolaire : soit par l’élève accusateur lui-même ; soit parce que la procédure s’achève rapidement par un classement sans suite, sans aller plus loin.

Nous continuons donc de penser que leur prise en compte par l’enquête Sivis est nécessaire et constituerait un parachèvement à votre travail.

Vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre questionnement, nous vous prions d’agréer, monsieur, nos meilleurs sentiments.

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[Nous avons relancé la DEPP le 17 mars 2013]

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La deuxième réponse de la DEPP

Paris, le 24 avril 2013

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Monsieur le président,

Nous avons tardé à répondre à votre courrier du 20 mars 12, car nous n’y avons pas vu d’éléments nouveaux remettant en cause les arguments de notre lettre du 13 janvier 2012 sur les difficultés extrêmes de repérer les accusations à tort d’abus sexuels contre des enseignants dans SIVIS. Même si nous sommes conscients de la gravité que constituent les accusations mensongères, et des nécessaires mesures à prendre pour y remédier, nous persistons à croire que l’enquête SIVIS n’est pas l’outil adapté pour identifier ce phénomène.

En effet, les chefs d’établissement déclarent les incidents graves avérés uniquement, au moment où ils se produisent, ne modifiant que très rarement un fait grave a posteriori. Vous avez vous-même souligné la difficulté à traiter cette question dans les affaires de violences sexuelles, qui peuvent prendre plusieurs années. Il pourrait être envisagé de repérer les dénonciations calomnieuses dont la fausseté apparaît en cours d’année, comme constituant des faits violents en eux-mêmes, mais cela ne recouvrirait qu’une partie de ces faits. En outre, il n’y aurait alors aucune raison de se limiter aux seules accusations d’abus sexuels contre des enseignants.

Le faible nombre d’incidents à caractère sexuel impliquant des enseignants actuellement repérés (de l’ordre d’une dizaine par an), s’il ne tient pas compte des accusations infondées, laisse tout de même présager d’une très faible prévalence du phénomène, difficilement mesurable avec précision au plan statistique, à partir d’une enquête sur échantillon, avec un taux de réponse pas toujours satisfaisant. Il est donc impossible de diffuser à partir de SIVIS, avec la rigueur statistique que nous devons respecter, tant des informations sur les fausses accusations contre des enseignants d’abus sexuels que des informations sur les accusations fondées.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, l’expression de nos salutations distinguées.

La directrice de l’évaluation, de la prospective

et de la performance, Catherine Moisan


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