Historique des actions pour la désexuation de la loi contre les violences conjugales – février-juin 2010

25 février 2010   //

.

Historique des actions pour la désexuation

de la loi contre les violences conjugales – février-juin 2010

 

Après le vote par l’Assemblée le 25 février 2010 d’une proposition de loi intitulée « Proposition renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes », le Groupe d’études sur les sexismes et ses sympathisants se sont mobilisés pour obtenir sa désexuation. D’abord, auprès des sénateurs, qui ont apporté des modifications, ensuite auprès de l’Assemblée Nationale.

Voici l’historique des événements.

 

25 février 2010 : vote de la proposition de loi

Dans l’esprit de la Grande Cause Nationale 2010 proposée par le premier Ministre François Fillon, l’Assemblée nationale vote à l’unanimité une proposition de loi intitulée « Proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes ».

.

27 février : réaction du GES

Le GES publie un communiqué, relayé par des sites sympathisants :

Le GES (Groupe d’études sur les sexismes) constate que la proposition de loi contient plusieurs dispositions discriminatoires en fonction du sexe :

– dans son intitulé, qui restreint son application aux violences « faites aux femmes », et en exclut de fait les hommes victimes ;

– dans plusieurs de ses articles (10 bis A, 10 bis B, 11A, 13, 14, 14 bis) qui, selon les cas,

*comme l’intitulé, restreignent son application aux violences « faites aux femmes »

*réservent le bénéfice de mesures de prévention ou de soutien aux « femmes », et en excluent de fait les hommes victimes ;

*réservent des possibilités d’intervention aux « associations de défense des droits des femmes », et en excluent de fait les associations de pères, les associations d’hommes victimes, les associations antisexistes, les associations masculines, etc.

Réaffirmant que les victimes des deux sexes ont droit au même titre à la considération et à la protection de la société, le GES proteste contre ce parti-pris.

Il demande aux parlementaires qui conduiront les lectures suivantes de procéder à la rectification de toutes les dispositions discriminatoires.

.

Fin mai : interpellation des sénateurs

Quelque temps avant la première lecture par le Sénat, le GES envoie un courrier aux sénateurs, qui sert aussi de modèle à ses membres et sympathisants, invités à faire de même.

Objet : Proposition de loi contre les violences contre les femmes examinée le 22 juin 2010

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Le Sénat examinera le 22 juin 2010 la « Proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes » (n° 340, 2009-2010), adoptée par l’Assemblée nationale.

Après une étude attentive, notre association est au regret de constater que certaines dispositions de cette loi établissent une discrimination fondée sur le sexe. C’est ainsi le cas :

– dans son intitulé, qui restreint son application aux violences « faites aux femmes », et en exclut de fait les hommes victimes ;

– dans plusieurs de ses articles (10 bis A, 10 bis B, 11A, 13, 14, 14 bis) qui, selon les cas,

*comme l’intitulé, restreignent son application aux violences « faites aux femmes »

*réservent le bénéfice de mesures de prévention ou de soutien aux « femmes », et en excluent de fait les hommes victimes ;

*réservent des possibilités d’intervention aux « associations de défense des droits des femmes », et en excluent de fait toutes les autres associations travaillant sur les problèmes liés à la violence.

Nous vous demandons donc instamment d’intervenir pour obtenir la rectification de ces dispositions discriminatoires, autrement dit la « désexuation » de la loi. Il suffirait d’ailleurs pour cela de remplacer le mot « femmes » par « personnes », et l’expression « association de défense des droits des femmes » par « association de défense des droits des personnes ».

Nous nous tenons à votre disposition pour toute demande d’information, d’échanges ou de rencontre, autour du thème des discriminations sexistes.

.

Courant juin : réponse des sénateurs

Suite aux envois de courriers, juste avant le vote de prévu le 22 juin, le GES reçoit quelques réponses.

1 juin 2010. Louis Mermaz (Isère)

J’ai pris connaissance très attentivement de votre courriel du 31 mai concernant la proposition renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes. J’ai bien entendu fait part de vos observations à ce sujet à mon groupe parlementaire.

2 juin. Jacqueline Panis (Meurthe-et-Moselle)

C’est avec le plus grand intérêt que j’ai pris connaissance du message électronique que vous m’avez adressé le 31 mai dernier, appelant mon attention sur la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes qui va être prochainement discutée au Sénat.

Les motivations qui ont présidé au dépôt de ce texte sont liées à l’actualité et aux différents cas de violence au sein des couples ou familiales qui ont été dévoilées au public. Dans chacune des affaires récentes ainsi médiatisées, les victimes étaient des femmes.

Toutefois, la loi se devant d’être générale et identique pour tous, votre remarque me semble particulièrement pertinente et judicieuse et mérite d’être versée au débat.

Première vice-présidente de la délégation au droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, je ne manquerai pas, lors de notre prochaine réunion, de soumettre votre objection à mes collègues.

D’autre part, je transmets immédiatement copie de votre message à François Pillet, rapporteur du texte au nom de la commission des lois et à Muguette Dini, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales.

7 juin. Rachel Mazuir (Ain)

Vous avez bien voulu appeler mon attention sur la proposition de loi qui sera prochainement étudiée au Sénat visant à renforcer la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes.

Vous vous inquiétez des dispositions discriminantes que comporte ce texte à l’égard des hommes, et aurez souhaité que des aménagements puissent être opérés pour y remédier en remplaçant le terme « femmes » par « personnes ».

Je souhaitais tout d’abord vous indiquer qu’un collègue avait également déposé une proposition de loi visant à renforcer le dispositif de lutte contre les violences au sein des couples mais que l’examen de ce texte, à portée beaucoup plus large, avait été reporté pour une étude simultanée avec cette présente proposition de loi.

J’ai sollicité alors l’avis du groupe sur la proposition que vous me soumettiez, à savoir élargir le profil de la victime, et c’est avec plaisir qu’il a été décidé d’élargir le champ d’application de cette proposition et je serai cosignataire des amendements déposés.

Je vous invite à suivre le débat de cette proposition de loi sur le site internet du Sénat.

17 juin. Daniel Reiner (Meurthe et Moselle)

Comme je m’y étais engagé, j’ai pris l’attache de mon collègue Roland Courteau au sujet de la proposition de loi déposée par notre collègue députée Danielle Bousquet.

Roland Courteau a de longue date déposé une proposition de loi nuançant quelque peu le propos de Mme Bousquet, puisqu’elle s’intitule «Violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ». La violence à l’encontre des hommes au sein des couples correspond à une réalité que les socialistes souhaitent pouvoir réintroduire dans le débat.

Pour votre parfaite information, je vous informe que la commission des lois a chargé un rapporteur d’élaborer un texte commun –issu des deux propositions de loi- qui devrait être étudié prochainement en séance publique au Sénat et que nous demeurerons particulièrement vigilants sur la question du genre.

17 juin. Bernadette Dupont (Yvelines)

Votre message m’est bien parvenu et a retenu toute mon attention.

D’accord avec vous sur le fait que ce projet de loi est restrictif et ne s’appliquerait pas aux hommes victimes de violence conjugale, j’ai déposé auprès du rapporteur de la Commissions des Lois, en charge de ce proposition, les amendements nécessaires à la rectification de ces dispositions discriminatoires.
Je ne peux toutefois présager s’ils recevront l’approbation de la Commission.
Vous pourrez bien sûr, dès sa mise en ligne, consulter le texte définitif de la proposition de loi, présenté par la Commission des lois sur www.senat.fr

.

22 juin : vote de la proposition de loi par le Sénat et commentaires du GES

L’intervention du GES contribue à amener les sénateurs à :

– modifier l’intitulé qui est désormais: « Proposition de loi relatives aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants »

– désexuer les articles 10bisB, 11A, 13, l’expression « violences au sein des couples », prenant en compte les violences faites aux hommes.

Cependant quelques articles demeurent sexués et discriminatoires:

– 11 bis, nouvel article : « Il est institué une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes fixée au 25 novembre »

– 14 bis : « Un rapport remis par le gouvernement sur la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes est présenté au Parlement avant le 31 décembre 2010 »

.

25 juin: interpellation des députés

Comme il l’a fait auprès des sénateurs, le GES envoie un courrier aux députés pour leur demander de rectifier les dispositions discriminatoires de la proposition de loi.

Objet : Proposition de loi sur les violences conjugales examinée le 29 juin 2010

Madame la députée, Monsieur le député,

L’Assemblée doit examiner le 29 juin 2010, en deuxième lecture, la « Proposition de loi relatives aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants », modifiée par le Sénat le 24 juin dernier.

Nous sommes antérieurement intervenus auprès des sénateurs, certaines dispositions de la première version nous paraissant introduire des discriminations fondées sur le sexe. Ceux-ci ont modifié le texte dans le sens que nous avions demandé, quoique partiellement. Nous nous permettons donc d’attirer votre attention sur trois points :

1) Le nouvel intitulé

La mention des « violences faites spécifiquement aux femmes » est redondante, puisqu’il est également fait mention de « violences au sein des couples ». Surtout, cette mention introduit implicitement une conception hiérarchisée des violences, fondée sur le sexe : les violences faites aux femmes seraient à considérer spécifiquement, parce que plus lourdes de conséquences, ou d’une nature différente de celles faites aux hommes.

Or, ayant beaucoup étudié ce problème dans le cadre de notre association, nous sommes en mesure d’affirmer qu’il n’existe aucune spécificité des violences faites aux femmes : les hommes subissent aussi des violences verbales, psychologiques (y compris d’ordre sexiste), économiques, physiques (ces dernières pouvant provoquer des blessures graves, voire le décès de la victime) et sexuelles. Ils subissent aussi, et dans les mêmes proportions, les mariages forcés.

Nous souhaitons donc votre intervention pour obtenir la simplification de l’intitulé, qui deviendrait : « Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ». Cette demande de simplification est également valable pour les articles 10bisB, 11A, 13.

2) L’article 11 bis

Cet article introduit par les sénateurs est discriminatoire puisqu’il préconise « une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes », et à elles seulement.

Nous souhaitons donc votre intervention pour obtenir le remplacement de la mention « faites aux femmes » par « faites aux personnes », ou « dans le couple ,» ou « faites aux personnes dans le couple ».

3) L’article 14bis

Cet article est discriminatoire puisqu’il préconise la présentation au Parlement d’ « Un rapport remis par le gouvernement sur la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes », et à elles seulement.

Nous souhaitons donc votre intervention pour obtenir le remplacement de la mention « faites aux femmes » par « faites aux personnes », ou « dans le couple », ou « faites aux personnes dans le couple ».

.

29 juin 2010: deuxième lecture faite par l’Assemblée Nationale et commentaires du GES

La proposition de loi est votée à l’unanimité par l’Assemblée et ce, sans aucune modification.

Pour lire le texte intégral: http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0502.asp

Ce qui veut dire que les quelques dispositions qui ont été désexuées par le Sénat, sont toujours là… ainsi que les dispositions discriminatoires contre lesquelles le GES a protesté :

– la mention « violences faites spécifiquement aux femmes » dans l’intitulé;

– l’article 11bis (devenu 24);

– l’article 14bis (devenu 29)

.

6 septembre 2010 : saisine de la Halde par le Ges, Sos Hommes battus, Sos Papa

La saisine dénonce les trois articles discriminatoires précédemment cités.

La lire ICI, avec la réponse, évidemment négative, de la Halde, le 2 février 2011.