A propos du livre de Liliane Daligand, « La violence féminine » / Bruno Decoret

4 mai 2016   //

 

La violence féminine. Liliane Daligand. Albin Michel, 2015

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Ce livre est de très bonne qualité.

Il étudie la violence à l’égard des personnes, dont l’auteur est une femme, ou une jeune fille. Cette étude est faite de manière très sérieuse, sans parti pris ni orientation idéologique. C’est un véritable travail scientifique, construit essentiellement à partir de l’expérience de psychiatre expert de l’auteure, et de son orientation psychanalytique.

Les descriptions des diverses situations de violence, dont la plupart sont criminelles, sont centrées sur la personnalité de leurs auteures, femmes ou jeunes filles, en tentant de comprendre comment celles-ci en sont arrivées à des tels actes. Liliane Daligand cherche dans l’histoire de ces femmes – et particulièrement de leur enfance et des cadres dans lesquels elles ont vécu, notamment cadre familial – les manques qui ont contribué à ce que ces actes délictueux ou criminels soient possibles. C’est le fonctionnement psychique de ces femmes violentes qui est examiné avec la minutie de l’experte.

Pour autant, Liliane Daligand ne  confond pas expliquer et excuser. Elle ne sort pas du champ de la psychologie, de la psychiatrie. Elle ne juge pas, ni dans un sens, ni dans l’autre. Elle précise dans plusieurs situations que la sentence juridique – autrement dit la punition – est nécessaire à la personne ayant commis un délit ou un crime. Elle montre qu’une de ces délinquantes qui n’avait pas été condamnée lors d’un premier acte a recommencé, plus gravement. Cette jeune femme avait besoin d’éprouver la limite de la loi.

Liliane Daligand note, avec inquiétude, l’augmentation rapide de la délinquance chez les jeune fille, beaucoup plus que chez les jeunes garçons (133% en vingt ans contre 40% chez les jeunes hommes). Elle fait le lien avec la perte d’autorité et de cadrage parental et en particulier paternel. Pour cela elle fait référence à la psychanalyse, ce qui n’est pas étonnant puisqu’elle est elle-même psychanalyste. On retrouve cette référence au cours de l’analyse de chacun des cas étudiés. Celle-ci est particulièrement importante en ce sens qu’elle met l’accent sur la différence des sexes et des influence parentales, elles aussi différentiée : le père et la mère n’ont pas la même influence sur la fille et sur le garçon. La violence féminine a donc une dimension spécifique et n’est pas seulement la violence exercée par un individu qui se trouve être du sexe féminin. Il arrive que cette violence se tourne contre l’homme – le compagnon de la femme par exemple – ou s’exerce par homme interposé, ou en lien avec un homme donné. La sexuation de la violence est une réalité.

L’utilisation du vocabulaire psychanalytique n’est pas sans poser quelques problèmes. Pour celui qui le connaît et peut se référer aux concepts de la psychanalyse, ce sera une richesse, car Liliane Daligand s’exprime clairement. Mais pour le non initié qui s’intéresse pourtant à la violence féminine, la particularité de ce vocabulaire pourra être déroutante voir rebutante. Il convient de passer par dessus cet aspect rédactionnel pour tirer profit de ce livre bien construit, honnête et rigoureux.

Bruno Decoret

(mai 2016)